

Alors que le régime social des indemnités de rupture du contrat de travail est régulièrement modifié, notamment en dernier lieu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le régime fiscal de ces mêmes indemnités connaît une relative stabilité.
Toutefois, fin septembre 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 80 duodecies du CGI qui règle la matière, avec une réserve d’interprétation.
Et fin octobre, l’administration fiscale a précisé sa doctrine concernant l’assujettissement ou non à l’impôt des indemnités de rupture.
En l’état actuel du droit, le régime fiscal et social des indemnités de rupture est dissocié.

Les indemnités de licenciement sont exonérées de cotisations et contributions sociales dans la limite d’un plafond égal à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).
Toutefois, si les indemnités dépassent dix PASS, elles sont assujetties en totalité aux cotisations et contributions sociales dès le premier euro. Sur le régime social des indemnités de rupture issu de la LFSS pour 2012.
Quant au régime de taxation à l’impôt sur le revenu des indemnités de rupture du contrat de travail, il est défini à l’article 80 duodecies du Code général des impôts.
1 Les indemnités sont en principe imposables
L’article 80 duodecies du Code général des impôts (CGI) pose le principe de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de toutes les indemnités versées au salarié « à l’occasion de la rupture de son contrat de travail ».
Le mode de rupture du contrat de travail est indifférent, qu’il s’agisse d’une démission, d’un licenciement, d’un départ ou une mise à la retraite, du terme d’un contrat à durée déterminée, d’une rupture négociée ou amiable du contrat de travail.
Sont ainsi assujetties à l’impôt sur le revenu, les indemnités qui, par nature, constituent des éléments de salaires, notamment :
– les indemnités compensatrices de congés payés ;
– l’indemnité compensatrice de préavis ;
– l’indemnité de fin de CDD ou de fin de mission des intérimaires ;
– l’indemnité de non-concurrence, etc.
Toutefois, ce principe général est assorti d’exceptions énumérées par le 1 de l’article 80 duodecies tenant, soit à la nature de l’indemnité, soit à son montant.
2 Exceptions au principe d’imposition
LES INDEMNITÉS VERSÉES HORS PLAN SOCIAL
Les indemnités versées en cas de licenciement abusif ou irrégulier
L’article 80 duodecies du CGI exonère totalement de l’impôt sur le revenu les indemnités visées à l’article L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-11 à L. 1235-13 du Code du travail, c’est-à-dire les indemnités versées à titre de dommages et intérêts aux salariés qui justifient d’une ancienneté minimum de deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés et qui sanctionnent :
– le licenciement irrégulier (pour méconnaissance de la procédure) (C. trav., art. L. 1235-2) ;
– le licenciement sans cause réelle et sérieuse(C. trav., art. L. 1235-3) ;
– le licenciement intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle(C. trav., art. L. 1235-11 à 13).
L’administration fiscale admet que l’indemnité versée à titre de dommages et intérêts à des salariés justifiant d’une ancienneté de moins de deux ans et/ou dont l’entreprise emploie moins de 11 salariés soit également non imposable, bien qu’elle ne soit pas visée expressément par l’article 80 duodecies du CGI.
Concernant les indemnités de rupture anticipée d’un CDD, la doctrine administrative précise que le montant minimum de l’indemnité versée (correspondant aux rémunérations qu’auraient perçues le salarié jusqu’au terme de son contrat) est imposable.
L’excédent éventuel est quant à lui exonéré dans les conditions et limites prévues pour les « autres indemnités de licenciement » (v. ci-dessous).

Les autres indemnités de licenciement
Les autres indemnités de licenciement versées en dehors d’un plan de sauvegarde pour l’emploi sont exonérées partiellement d’impôt sur le revenu (en application de l’article 80 duodecies, 1-3°).
Elles sont exonérées dans la limite la plus élevée des trois montants suivants :
– soit le montant de l’indemnité prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut par la loi ;
– soit le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant celle de la rupture de son contrat de travail ;
– soit la moitié du montant total des indemnités de licenciement perçues.
Dans les deux derniers cas, la fraction des indemnités exonérée ne peut dépasser la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du versement de l’indemnité (222 192 € pour 2013 et 225 288 € pour 2014).
Exemple : un salarié, dont la rémunération annuelle brute de l’année civile précédente s’établit à 50 000 €, a perçu une indemnité de 150 000 €, dont 120 000 € correspondent à l’indemnité prévue par la convention collective.
L’indemnité conventionnelle (120 000 €) est plus élevée que le double de la rémunération annuelle (100 000 €) et que la moitié du montant total des indemnités (75 000 €). Le montant de 120 000 € est donc exonéré d’impôt sur le revenu. Le surplus de 30 000 € sera assujetti à l’impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires.
À NOTER
Le plafond de la sécurité sociale applicable aux indemnités perçues en 2013 s’établit à 37 032 € et celui applicable aux indemnités perçues en 2014 s’établiera à 37 548 €.
Les indemnités transactionnelles
Par analogie, l’administration fiscale admet que bien qu’elle ne soit pas énumérée par l’article 80 duodecies, l’indemnité transactionnelle (versée en exécution d’une transaction conclue entre l’employeur et le salarié suite à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail) soit assimilée à une « autre indemnité de licenciement ». Elle serait donc assujettie à l’impôt sur le revenu au-delà des limites d’exonération détaillées ci-dessus.
À NOTER
De jurisprudence constante, le Conseil d’État estime qu’à l’exception des indemnités limitativement énumérées par l’article 80 duodecies, toute indemnité perçue à l’occasion de la rupture du contrat de travail revêt un caractère imposable.
Cette interprétation conduit à ce qu’une indemnité transactionnelle, notamment suite à une prise d’acte par le salarié, ne soit ni une indemnité de licenciement, ni une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et soit donc totalement soumise à l’impôt.
Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, a jugé qu’il appartenait à l’administration de rechercher la qualification à donner aux sommes en jeu.
Si l’indemnité transactionnellle a la nature d’une indemnité de licenciement, elle devrait partiellement être exonérée d’impôt sur le revenu. Si l’indemnité est versée à titre de dommages et intérêts, elle devrait être totalement exonérée.
Les indemnités liées à la rupture conventionnelle du contrat de travail
En vertu de l’article 80 duodecies du CGI (6° du 1), sont exonérées partiellement d’impôt sur le revenu les indemnités de rupture versées à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié dès lors qu’il n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire.
Dans ces cas, les indemnités sont exonérées dans la limite du plus élevé des montants suivants :
– le montant de l’indemnité prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut par la loi ;
– le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant celle de la rupture de son contrat de travail ;
– la moitié du montant total des indemnités de licenciement perçues.
Dans les deux derniers cas, la fraction des indemnités exonérée ne peut dépasser la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du versement de l’indemnité (222 192 € pour 2013 et 225 288 € pour 2014).

Les indemnités de mise à la retraite
Les indemnités de mise à la retraite par l’employeur sont également partiellement exonérées d’impôt sur le revenu, dans la limite la plus élevée des trois montants suivants (en application de l’article 80 duodecies, 1-4°) :
– soit le montant de l’indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut par la loi ;
– soit le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant celle de la rupture de son contrat de travail ;
– soit la moitié du montant total des indemnités perçues.
Dans ces deux derniers cas, la fraction exonérée ne peut dépasser cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du versement de l’indemnité de mise à la retraite (185 160 € pour 2013 et 187 740 € pour 2014).
À NOTER
L’indemnité de cessation d’activité et l’indemnité complémentaire versées dans le cadre de la préretraite amiante sont totalement exonérées d’impôt sur le revenu (CGI, art. 81, 32 °).
Les indemnités de départ à la retraite
S’agissant des indemnités versées aux salariés qui prennent l’initiative de leur départ en retraite, elles sont imposables en totalité (sauf cas particulier du départ volontaire qui s’inscrit dans le cadre d’un PSE ; v. ci-après).
LES INDEMNITÉS VERSÉES DANS LE CADRE D’UN PSE
Aux termes de l’article 81 duodecies (1,2°), ne constitue pas une rémunération imposable l’indemnité de licenciement ou de départ volontaire versée dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
L’administration fiscale indique que sont concernés les licenciements pour motif économique, envisagés pour une raison étrangère à la personne des salariés concernés, et portant sur dix salariés au moins pendant une période de 30 jours.
L’ensemble des indemnités versées à l’occasion du licenciement ou du départ volontaire est donc exonéré.
Sont donc exonérées d’impôt sur le revenu, détaille l’administration fiscale, les indemnités dues aux salariés concernés aux termes des dispositions légales ou conventionnelles qui, selon le mode de rupture de leur contrat de travail, leur sont applicables, mais également, quelle que soit leur appellation, celles qui s’y ajoutent : primes ou indemnités d’aide au départ volontaire, d’aide à la réinsertion professionnelle, d’incitation au reclassement, etc.
Toutefois restent imposables les indemnités qui sont par nature des éléments de salaire (indemnités compensatrices de congés payés et de préavis, notamment).
Enfin, les indemnités de licenciement et de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE étant les seules mentionnées dans l’article 80 duodecies du CGI (1-2°), les indemnités versées à l’occasion d’une mise à la retraite par l’employeur du salarié font l’objet d’un traitement particulier.
Elles sont partiellement exonérées d’impôt, dans les conditions détaillées ci-dessus.
LES INDEMNITÉS VERSÉES AUX MANDATAIRES SOCIAUX
Toute indemnité, quelle que soit sa nature, versée à l’occasion de la cessation des fonctions de mandataires sociaux et de dirigeants de société constitue une rémunération imposable(CGI, art. 80 duodecies, 2).
Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions (révocation, par exemple), seule la fraction des indemnités qui excède les seuils définis aux 3 ° et 4 ° de l’article 80 duodecies est imposable.
Ainsi les indemnités versées au titre de la rupture du mandat social ou du contrat de travail sont exonérées dans la limite la plus élevée de :
– deux fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la cessation forcée des fonctions ;
– 50 % du montant des indemnités perçues.
En tout état de cause, la fraction exonérée ne peut excéder un plafond égal en principe, à six fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (soit 222 192 € pour 2013 et 225 288 € pour 2014). S’il s’agit d’une mise à la retraite, le plafond ne peut excéder cinq fois le montant du PASS (soit 185 160 € pour 2013 et 187 740 € pour 2014).