La crise sans fin des papetiers en France
Posté par cgtchapelledarblayupm le 11 septembre 2019
La crise sans fin des papetiers en France
Le finlandais UPM, leader mondial du papier « graphique », menace de fermer sa dernière usine française qui emploie 236 salariés, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime.
L’hécatombe va-t-elle se poursuivre ? Après la fermeture, au printemps, faute de repreneur, de l’usine d’Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe) et le licenciement de ses 568 salariés, la papeterie historique Chapelle Darblay, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime, risque de subir le même sort. Mardi 10 septembre, UPM, son propriétaire finlandais, a décidé de mettre en vente sa dernière usine française de production de papier. Faute de repreneur d’ici à janvier 2020, le site du leader mondial du papier dit « graphique », qui emploie 236 salariés, fermera.
Les syndicats de l’une des deux dernières usines de papier journal disent n’avoir rien vu venir. « Nous étions en train d’évoquer avec la direction le renouvellement de la chaudière, indiquait sur France 3, mardi, une heure à peine après l’annonce de la cession, Julien Sénécal, le secrétaire général (CGT) du comité social et économique du site. Nous savons que la conjoncture est difficile, mais nous ne nous attendions pas à un tel projet. En 2014, nous avions déjà connu l’arrêt traumatisant d’une machine et le départ de 196 collègues. Aujourd’hui, c’est la cession. Nous sommes dégoûtés. »
Chapelle Darblay, un site bientôt centenaire, passé, un temps, entre les mains du milliardaire François Pinault à la fin des années 1980, est en grande difficulté, comme tout le secteur du papier graphique en Europe. Dans un communiqué, UPM assure que l’usine est l’une des moins compétitives du Vieux Continent, d’où son choix de la sacrifier, une assertion que rejette la CGT. D’ailleurs, depuis dix ans, le géant finlandais n’a pas fait mystère de sa stratégie dans l’Hexagone : il s’en retire irrémédiablement. Sur la période, il a vendu ou fermé l’ensemble de ses sites. En 2014, lors de la cession de son usine de Docelles (Vosges), UPM n’avait pas hésité à endommager ses machines, afin qu’elles ne tombent pas entre les mains d’un concurrent.
Des effectifs passés de 15 000 à 11 000 en cinq ans
Cette dernière annonce n’étonne guère les observateurs. Avec le virage numérique de la presse, le marché de ce produit a été divisé par deux en dix ans, selon les données de la Copacel, la fédération des fabricants de cellulose. Et, entre 2013 et 2018, pas moins de quinze papeteries ont mis la clé sous la porte en France, tandis que d’autres réduisent leur capacité de production. En cinq ans, la filière a ainsi vu ses emplois passer de 15 000 à un peu plus de 11 000, début 2019.
Si le papier à usage graphique plonge, les autres secteurs de la filière résistent, voire connaissent une nouvelle jeunesse. « C’est très schumpétérien. Des sites ferment, d’autres rouvrent », confie un spécialiste du secteur. Alors que le marché du papier d’hygiène (essuie-tout, serviettes, draps médicaux) reste constant depuis de nombreuses années, les cartons d’emballage et de conditionnement sont en plein essor, du fait de l’explosion du commerce en ligne et de l’arrêt des sacs plastique. « Contrairement aux plastiques, souvent issus du pétrole, la cellulose est issue
d’une ressource renouvelable, le bois, elle est facilement recyclable et est biodégradable », rappelle Paul-Antoine Lacour, le délégué général de la Copacel.
Entre 2013 et 2018, pas moins de quinze papeteries ont mis la clé sous la porte dans l’Hexagone, tandis que d’autres réduisent leur capacité de production
Si l’avenir de la production à usage graphique est compromis, les usines actuelles peuvent entrevoir un avenir en s’adaptant à la fabrication d’autres produits. Ces dernières années, trois anciennes papeteries ont montré la voie. En 2014, à Strasbourg, l’usine Stracel, cédée par UPM, a été transformée par Bluepaper, un consortium belgo-allemand, pour y produire du papier d’emballage.
Wizpaper a repris l’ex-usine Arjowiggins de Wizernes (Pas-de-Calais), fermée en 2015, pour relancer, en janvier, la fabrication de papier, passant du graphique à l’ondulé nécessaire au carton. Enfin, à Charavines, en Isère, Global Hygiène mène actuellement des travaux pour transformer cet ancien site d’Arjowiggins pour y fabriquer de la ouate de cellulose nécessaire à ses produits d’hygiène. Manque de diversification
En Dordogne, l’usine de Condat, propriété de l’espagnol Lecta, cherche également à réorienter une partie de sa production vers les papiers spéciaux (abrasifs, adhésifs). Un secteur en plein développement, mais, pour l’instant, les financements manquent. C’est d’ailleurs tout le noeud du problème.
« Aujourd’hui, si des transformations sont possibles, car on voit bien qu’il existe désormais un boulevard pour de nombreux produits à base de cellulose, on se heurte au refus des industriels d’investir pour se diversifier, explique Patrick Boret, le secrétaire général de la Filpac-CGT, le puissant syndicat du secteur. Un UPM, spécialiste du papier graphique, ne veut pas aller sur d’autres secteurs, tout comme un Smurfit Kappa [groupe irlandais], centré sur les cartons et emballages, refuse de fabriquer d’autres produits. »
A défaut de pouvoir compter sur les propriétaires actuels de sites en danger, il faut trouver des repreneurs capables d’investir lourdement. En Seine-Maritime, adapter l’outillage de Chapelle Darblay à d’autres papiers requiert, selon un expert, un investissement d’une centaine de millions d’euros. A Bercy, on assure que le gouvernement sera très vigilant sur la qualité des éventuels candidats à la reprise du site.
Raphael de Bengy I hanslucas.com / Raphael de Bengy I hanslucas.com
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