Pourquoi le papier des livres et des journaux vient à manquer
Posté par cgtchapelledarblayupm le 6 novembre 2021
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Pourquoi le papier des livres et des journaux vient à manquer
Les imprimeurs, les éditeurs font face à une crise inédite pour l’approvisionnement de papier. En cause, les confinements qui ont chamboulé le marché mais pas seulement. Le marché de la pâte à papier est très concentré.
On l’oublierait presque mais le papier qui glisse sous vos doigts est une matière première. Depuis quelques mois, et encore plus depuis septembre, les éditeurs de presse ou de livres ont des difficultés à s’approvisionner. Conséquence, la tonne de papier n’a jamais coûté aussi cher : en moyenne 600 € contre 300 € au premier semestre 2021. La tonne de pâte à papier est passée de 700 € à 1 170 €.
En bout de chaîne, des libraires observent « des ruptures ou des titres imprimés en quantité limitée. Par exemple, sur cinq commandes on en reçoit que deux », explique Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la Librairie française.
« Au lieu d’être approvisionnés en papier en quatre semaines, nous le sommes en douze », confirme Pascal Lenoir directeur de la production pour Gallimard. Selon lui, « le sujet est plus grave dans le secteur de la presse que pour celui de l’édition car notre consommation est plus stable. »
En effet, « certains titres de presse sont déjà obligés de réduire la pagination ou leur nombre de parution », s’inquiète un spécialiste du secteur de la vente de papiers.
Situation critique pour la presse
D’ailleurs, un éditeur qui souhaite se lancer dans la publication a peu de chance de trouver du papier en ce moment. « La livraison des tonnages est assurée mais les nouveaux éditeurs sont refusés tout comme l’augmentation de l’activité de clients déjà en place », poursuit le spécialiste.
Tous les professionnels interrogés disent n’avoir jamais connu une situation pareille, « c’est pire qu’en 1996 et 2000 ». Comment le secteur en est-il arrivé à cette situation ?
La première explication est conjoncturelle. Le covid a ralenti la demande en 2020. « Il y a eu moins de publicités imprimées, moins de brochures… Certains imprimeurs ont vu leur activité diminuer de 70 % », explique Philippe Valains, délégué à l’Union Nationale des Industries de l’Impression et de la Communication (UNIIC).
Une accumulation de raisons conjoncturelles
Le prix de la tonne de papier avait donc atteint un niveau très bas, autour de 300 €. « Certains éditeurs ou imprimeurs ont fait du stock en anticipant une hausse des prix », poursuit-il. La demande s’est aussi réveillée au même moment pour tous.
Le bois est par ailleurs une matière moins disponible notamment au Canada.
La hausse des prix de l’énergie n’est pas non plus sans effet sur cette industrie gourmande en électricité, pour transformer le bois en pâte à papier, puis en papier.
Cette envolée des coûts de l’énergie n’aurait pas été assez anticipée. « Certaines usines papetières n’ont pas couvert leurs achats d’énergie », explique un fin connaisseur de cette industrie. En clair, elles n’ont pas souscrit à un mécanisme de couverture qui leur permet d’acheter l’électricité à prix fixé. In fine, elles répercutent cette hausse sur leur prix.
« L’accélération de l’activité économique dans de nombreuses régions du monde, une demande chinoise qui devrait demeurer soutenue, une désorganisation des flux logistiques et divers mouvements spéculatifs, créent une tension qui s’observe sur les marchés de nombreuses matières premières », énumère la Confédération Française de l’Industrie des Papiers, Cartons et Celluloses (Copacel).
Les papetiers délaissent le papier « graphique »
En effet, « une partie de la pâte à papier arrive par bateau d’Amérique du Sud et d’Asie », explique Pascal Lenoir de chez Gallimard qui, lui, se fournit en Europe assure-t-il. Or, les coûts du transport maritimes se sont aussi envolés.
Le marché du papier est cyclique. Ses prix étaient dans une tendance baissière ces dernières années.
Arrive alors les explications plus structurelles. La presse papier se vend moins. Le papier dit « graphique », utilisé pour la presse ou l’édition, est de moins en moins produit par les fabricants, au profit d’un autre secteur plus rémunérateur : l’emballage carton.
En 2000, selon la Copacel, la part de la presse et de l’édition représentait 44,8 % de la production de papiers et cartons en France, contre 45,9 % pour les emballages et conditionnements. Vingt ans plus tard, la production « graphique » est tombée à 17,4 % contre 66,4 % pour le carton.
Autrement dit, les fabricants transforment davantage de pâte à papier en carton qu’en papier journal. Le tout porté par une hausse du e-commerce est des besoins en emballage.
Un marché concentré ? L’Europe enquête
L’offre des papetiers se réduit. La preuve avec la récente fermeture de la papeterie Chapelle-Darblay, à Grand Couronne, appartenant au groupe finlandais UPM. C’était l’une des rares usines de fabrication de papier journal à partir de matières recyclées. Le prix du papier recyclé a lui aussi fortement augmenté en un an et participe à la hausse.
Les éditeurs de presse sont nombreux à qualifier le marché de la fabrication de papier de « concentré ». Les trois géants du secteur se nomment Stora Enso, Norske Skog et UPM. À eux trois, ces groupes finlandais ou suédois capteraient 60 % du marché européen pour la production du papier journal. Au niveau mondial, les gros papetiers se trouvent aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Asie.
Ouest-France Marion DUBOIS.
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