4 juillet 2013 Les tractations secrètes sur nos retraites commencent.
Questions :
- Faut-il défendre notre système social et solidaire ? Pour la Filpac CGT, c’est oui !
- Faut-il, pour le défendre, s’opposer sans réserve et au patronat et au gouvernement ? Pour la Filpac CGT, c’est oui !
- Faut-il sur cette base réaliser l’unité la plus large ? Pour la Filpac CGT, c’est oui !
Le sabotage de notre système de retraite solidaire
recommence le 4 juillet
4 Juillet : de nouvelles hostilités s’ouvrent contre nos retraites, sous forme de concertations secrètes d’été, visant à préparer une loi nouvelle à la rentrée. Yannick Moreau se vante de la continuité historique de ses propositions contre le système solidaire des retraites, dans son rapport remis au gouvernement. Saboter, jusqu’où ? La fin du système ? Ce qui suit montre que l’escroquerie en bande organisée ne concerne pas que Tapie… Coup d’œil dans le rétro pour mieux regarder devant.
Après le progrès social des retraites…
1930 : un régime général des assurances sociales par capitalisation est institué. Le salarié investit dans les « fonds de pension » et le niveau de sa pension est déterminée par les spéculateurs. La Grande Crise, partie en 1929 de la spéculation financière aux USA, a naufragé ce système, qui compte pourtant nombre de partisans chez les néolibéraux d’aujourd’hui.
1945 : le régime général de sécurité sociale par répartition est mis en place pour le secteur privé. Les actifs cotisent et versent aux retraités sous forme de pension, dont le niveau résulte d’une décision politique. Avant 1945, des régimes « spéciaux » offraient une meilleure protection. Ils sont conservés, dans l’attente d’être rattrapés par le régime général qui devait être amélioré…
1962 : mise en place d’un régime complémentaire qui améliore la pension. ARRCO et AGIRC, obligatoires en 1972, versent 54 milliards d’€ par an (en plus des 76 du régime de base).
1972 : un minimum de pension est garanti au salarié ayant cotisé 37,5 ans
1983 : retraite à 60 ans pour toutes et tous. A cette époque, le nombre de cotisants (en millions) s’élève à 16,6 pour le privé, 2,3 non salariés, 4,3 fonction publique et 0,5 régimes spéciaux
La part des retraites dans le Produit Intérieur Brut ne cesse d’augmenter : 5,4% en 1959, 7,3% en 1970, 11,7% en 2000 et 12,1% en 2007 (et 13,8% à long terme selon le COR en prolongeant les tendances actuelles et en appliquant les contre-réformes engagées).
…la régression sociale des retraites depuis 1993
Le Medef veut « détricoter » les acquis de 1945, le programme du Conseil National de la Résistance qui a mis en place une efficace protection sociale échappant aux profits et organisant des solidarités. Il s’y emploie avec l’appui du gouvernement. Plusieurs contre-réformes remettent en cause le système par répartition en le fragilisant. Elles ont été imposées en visant à chaque fois une partie des salariés afin de diviser pour régner, d’éviter une réaction d’ensemble.
1993, le privé avec les mesures Balladur :
- la pension est calculée sur les salaires des 25 meilleures années et non des 10 meilleures. Dans les 15 années supplémentaires figurent des années plus mauvaises tirant la pension vers le bas. Même dans le cas d’une carrière étale, la pension baisse car le salaire touché quelques dizaines d’années auparavant vaut moins puisque revalorisé seulement sur la base des prix, et non plus sur les salaires (mesure mise en place dans les faits depuis 1987). Ainsi, pour un salaire de 1 000 € en 1994, le salaire porté au compte ne sera pas 1 505 € en suivant le salaire moyen, mais seulement de 1 261 € (-20%) en suivant l’inflation.
- passage de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein (50 % du salaire annuel moyen) entre 60 et 65 ans. Il faut 40 ans de cotisation pour continuer à partir avec 50% du salaire. Partir à 37,5 ans ne permet de toucher que 46,87%, soit une perte de 6,25%.
- indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires. Cette mesure ne touche pas tout de suite le jeune retraité, mais il ne profite plus d’une solidarité entre pension et salaire. Petit à petit, sa pension perd du pouvoir d’achat qui se cumule avec le temps et s’élève à 20% sur 16 ans.
- décote de 10% par année manquante. De façon transitoire, jusqu’en 2003, la durée d’assurance pour une carrière complète reste fixée à 37,5 ans qui reste le seuil pour calculer le nombre d’années manquantes dont chacune coûte 10% de la pension ! En 2003, la décote sera ramenée à 5%, mais s’appliquera aux années manquantes pour arriver à 40 ans de cotisation (la décote maximum est limitée à 25%)
En 1995, le COR évaluait à 30 Milliards d’€ à l’horizon 2010 le « gain » de ces mesures, dont 12% imputables au passage des 10 aux 25 meilleures années, 5% à l’allongement de la durée de cotisation et 63% à l’indexation sur les prix. Toutes ces mesures se cumulent : en moyenne, elles ont fait baisser les pensions de 20% le jour du départ en retraite, puis la perte du pouvoir d’achat s’est amplifiée avec la désindexation sur les salaires (ajout de 20% de perte sur 16 ans).
En 1996, ce sont les régimes de retraites complémentaires qui réduisent le nombre des points accordés chaque année à leurs cotisants, limitant par là même la retraite qu’ils leur verseront plus tard.
Ainsi en 1990, 100 F de cotisations à l’ARRCO attribuaient un droit de 9,60 F (rendement de 9,6 %) ; en 2009, 100 € de cotisation ouvrent un droit de 6,60 € (rendement de 6,6 %). Le nombre de points acquis par les salariés diminue, et la valeur monétaire du point, indexée seulement sur l’indice des prix, perd de la valeur. C’est la double peine : moins de points et valeur du point en baisse.
En 1999, le rapport Charpin a calculé les conséquences de cette contre-réforme en 2040 : baisse de moitié du taux de remplacement des pensions complémentaires.
Informations complémentaires :
- la prétendue équité : les cadres supérieurs ont été intégrés à l’AGIRC en 1991, avec le principe selon lequel une même cotisation doit donner les mêmes droits au niveau du Smic et à 8 fois le plafond de Sécurité sociale, ce qui a instauré de fait un transfert de fonds de l’ARRCO (régimes de tous les salariés) vers l’AGIRC (les seuls cadres).
- AGFF (association pour la gestion du fonds de financement) : ces régimes complémentaires n’ouvrent des droits qu’à 65 ans. Pour combler les 5 ans entre 60 (âge légal de départ, utilisé réellement dans le privé) et 65 ans, une AGFF (association pour la gestion du fonds de financement) s’est mise en place. En 2009, pour 100 € de cotisations de retraites complémentaires (incluant les cotisations AGFF), le rendement était de 5,25 % pour un non cadre gagnant 26 700 €, de 6,15 % pour un cadre supérieur gagnant 200 000 €.
2003, la fonction publique subit le même sort que le privé en 1993 :
- passage de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein (75 % du dernier salaire touché pendant au moins 6 mois) entre 60 et 65 ans, applicable en 2008 (mise en place progressive sur 5 ans). Certaines professions (dites actives) maintiennent les départs à 55 ans. Avec un calcul de la pension sur 37,5 ans, une durée moyenne de cotisations de 37 ans (exemple proche de la réalité) permettait d’obtenir 74% (37 ans x 2% apporté par chaque année travaillée). Avec le calcul sur 40 ans, chaque année n’amène plus que 1,875% (75% / 40 ans), et la pension ne représente plus que 69,4% (37 ans x 1,875%)… et 59% avec la décote. Le passage à 41 ans en 2012 a fait encore baisser la pension : chaque année apporte 75/41 = 1,829% et la pension diminue à 67,7%… et 54,1% avec la décote, soit une baisse de 27% de la pension.
- indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
- décote de 5% par année manquante en 2015 (mise en place progressive sur 10 ans)… Et, pour tous les salariés : allongement quasiment automatique de la durée de cotisation en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie. La loi impose le maintien du rapport, constaté en 2003, entre les 40 ans de cotisations et les 22,39 ans d’espérance de vie (soit 40/22,39=1,8). Tous les 4 ans, l’évolution de ce rapport est regardée et une décision d’augmentation de la durée de cotisation est imposée pour le maintenir constant.
En 2008, l’estimation qu’en 2012, l’espérance de vie après 60 ans serait à 23,74 ans (soit 1,35 an en plus par rapport à 2003) a amené le gouvernement a répartir le 1,35 an en 1 an de cotisation
qui passe à 41 ans) et 0,35 an de plus de durée de retraite. L’augmentation de l’espérance de vie a été répartie en 3/4 pour la durée de cotisation et ¼ pour la durée de retraite. Le même calcul devrait conclure à une durée de cotisation de 41,5 ans en 2020.
2008, les régimes spéciaux se rapprochent de la fonction publique :
- passage de 37,5 ans à 40 ans (de façon progressive 40 ans en 2012 puis 41 ans en 2016) de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein (75 % du dernier salaire touché pendant au moins 6 mois).
- indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
- décote de 5% par année manquante Pour faire accepter la contre-réforme par certaines organisations syndicales, des compensations ont été accordées. A la SNCF, par exemple : augmentation du dernier salaire par la création d’un échelon (attribué automatiquement à l’ancienneté) supplémentaire, augmentation de la pension par l’intégration de petites parties de primes dans le traitement… Mais elles ne compensent pas grand-chose : la contre-réforme fait baisser la pension de 19%. Pour bénéficier du même niveau de pension qu’avant, le cheminot doit travailler 2,5 ans de plus.
2010, rigueur pour tous les salariés :
- relèvement de deux ans de l’âge légal de départ, alors que l’âge moyen de cessation d’activité reste inférieur à 59 ans et que la majorité des salarié-es est déjà sans emploi au moment de liquider leur retraite. Pour eux, cela correspond à l’allongement de deux ans de cette période précaire hors emploi. Pour les autres, une minorité pourra se maintenir péniblement au travail, diminuant les opportunités d’emploi pour des jeunes au chômage !
- allongement de la durée de cotisation, à 41,5 ans pour les générations nées à partir de 1955.
- report de 2 ans de l’âge annulant la décote : les personnes aux carrières incomplètes, majoritairement des femmes, devaient attendre 65 ans, souvent sans emploi, pour ne pas subir une décote très pénalisante puisque pouvant atteindre 25 % de la pension. Elles devront rester dans la galère jusqu’à 67 ans pour éviter la décote.
- pour les fonctionnaires (et certains régimes spéciaux) : baisse des salaires d’environ 3% en 10 ans par l’augmentation des cotisations salariales. Pourtant, à salaire égal, fonctionnaires et salarié-es du privé touchent des pensions comparables, même si elles ne sont pas calculées selon les mêmes règles.
- pour les carrières longues des personnes ayant travaillé très tôt, les maigres compensations arrachées en 2003 sont réduites : au lieu de partir avant 60 ans, elles partiront 2 ans plus tard, avant 62 ans. « Nouveauté » : avoir travaillé à 17 ans, permet de continuer de partir à 60 ans !
- la pénibilité du travail est niée cyniquement dans le dossier de presse du gouvernement : « les salariés doivent êtrephysiquement usés au moment de leur départ en retraite » ! Elle est réduite au handicap physique individuel et n’est reconnue qu’avec une incapacité d’au moins 20% constatée par un médecin. Il ne s’agit que d’une extension du régime d’invalidité.
Cette contre-réforme incite et oblige à partir en retraite le plus tard possible, ce que les taux d’activité des 55-64 ans confirment : de 40 à 48,3% en 5 ans. Mais activité ne veut pas dire au travail : seulement une partie conserve son emploi, les autres grossissent les rangs de chômeurs, de 4,9 à 6,9% en 5 ans, soit +66%. Les emplois occupés par des seniors ne sont plus disponibles pour les jeunes, dont le taux d’activité est passé de 40 à 37,5% en 5 ans.
Conséquences de ces contre-réformes ?
Comme le revendiquent le Medef et le gouvernement, l’objectif des contre-réformes est de baisser le niveau de la pension par rapport au salaire. Le Comité d’Orientation des Retraites montre que, sur une durée théorique de travail de 44 ans, on ne cotise que 31 ans en moyenne et on ne valide que 37 ans de cotisation. Toutes les mesures du gouvernement pour faire semblant de faire travailler les plus anciens n’ont aucune influence sur le taux de chômage, mais transfèrent ces anciens d’un statut à l’autre.
La pension représentait :
79% du salaire avant les contre-réformes,
72% en 2007 et serait de
65% en 2020 et
59% en 2050 (selon le COR).
Les plus pénalisés ?
Ceux aux carrières heurtées ou interrompues, notamment les femmes, dont seulement 39% ont pu valider 37,5 ans (contre 85% des hommes), mais aussi les chômeurs, précaires, petits boulots, temps partiels… les jeunes qui débutent tard dans la vie active (études, chômage…) : début à 25 ans + 42 ans de cotisation = retraite à 67 ans ? Et aussi les métiers pénibles à la faible espérance de vie.
Le pouvoir d’achat des retraités, entre 1994 et 2004, a baissé chaque année de :
- 0,3% pour le régime général de base et
- 0,6% pour les complémentaires,
- 0,5% pour les fonctionnaires.
Si nous laissons faire, l’avenir qu’ils nous réservent sera la même chose : la durée de cotisation sera toujours de 37 ans selon un constat partagé du COR et la pension en 2035 se calculera sur la base de 37/42 de la pension entière, soit 88%, auquel il faut retirer 5 x 5% = 25% de décote. Par exemple, une pension entière de 1 000 € avant les contre-réformes, les 37/42e attribuent une pension de base de 880 € et la pension réelle avec décote de 25% à 660 €, soit une baisse de 34%.
L’avenir de nos retraites : le subir ou le fabriquer ?
L’allongement de la durée de cotisation reste le seul curseur important envisagé par le gouvernement, qui baissera encore les pensions. Si la durée passe à 42 ans ou plus, les pensions baisseront encore avec 5 ans manquant pour le taux plein et une décote de 25%. Elles ne représenteront plus que 49,5% du salaire pour le public, 33% de base pour le privé. On part à la reconquête de notre système social et solidaire ?